Après avoir ainsi ennobli le papillon de nuit, signalons la présence du sphynx du liseron, très grand papillon, de plus de 12 cm d'envergure, chez nous. C'était en septembre, durant ce moment de grâce où les oiseaux lancent un hymne à la disparition du jour, où les plantes exhalent leur parfum, et où les papillons de nuit visitent les fleurs. D'un seul coup, ils sont là. A la Campagne à Paris, on voit souvent un petit papillon de nuit appelé le Gamma, à cause du signe blanc qu'il arbore sur les ailes. C'est lui - ce coquin - qui rentre chez vous le soir, attiré par la lumière et aussi par les odeurs de cuisine, et qui va tomber dans la poile, ou dans la salade. Mais ce soir-là, d'un seul coup, dans le jasmin, tel un oiseau-mouche, voici le grand sphynx du liseron, figé vrombissant et passant de fleur en fleur avec une application toute comptable.
Le sphynx du liseron est un très beau représentant des papillons à livrée subtile que nous présentions tout à l'heure : ailes striées de gris, corps rose, deux yeux bleus dessinés sur le thorax, et … une trompe démesurée qui lui permet de se régaler du nectar des fleurs.
A ce propos, connaissez vous l'histoire du papillon "inventé" par Darwin ? Au XIXème siècle, Darwin fut l'un des grands scientifiques engagés dans ces expéditions qui fondèrent nos sciences naturelles (admirables aventures, et pourtant …). A Madagascar, il tomba sur une splendide orchidée au très long calice (tout est incroyable à Madagascar). Il en déduisit qu'un insecte devait posséder un appendice démesuré pour polliniser une telle plante, mais repartit sans l'avoir observé. Des années plus tard, on découvrit le papillon "fautif" : sa trompe déployée en vol mesurait plus de 23 cm ! On l'appela "predicta" en hommage à la prédiction de Darwin.
Le sphynx du liseron est un migrateur, qui, éclos en Afrique du Nord (région du monde où la vie ailée n'est pas encore ravagée par les pesticides) arrive en Europe par légions aux printemps. Celui de la Campagne à Paris ne venait probablement pas d'aussi loin. Car la première génération se reproduit chez nous et donne des individus autochtones. Mais sans doute y est-il allé, après avoir visité nos fleurs…